Sherazade Laoudedj

la cuisine tlemcenienne, Histoire d’une cuisine ancestrale
tajine aux raisins secs
marka laassal
La cuisine traditionnelle de Tlemcen est héritière des civilisations qui ont foulées son sol mais c’est aussi une cuisine influencée par sa position géographique ainsi que ses vergers qui lui ont conféré une cuisine très goûteuse, sollicitant des produits du terroir très riches en saveurs.
Bien que raffinée, la cuisine tlemcenienne est composée d’un ensemble de plats rustiques qui sont des héritages berbères attribué aux habitants des monts de Tlemcen.
Mais aussi un héritage citadin, il nous faut également citer une ville marquée de par sa Culture, de par les réfugiés Andalous, en effet Tlemcen a reçue massivement les andalous de Grenade de confession Musulmane et Juive.
De plus, c’est  l’une des seules villes du Maghreb avec Fès au Maroc qui entretenait des échanges commerciaux et culturels avec le dernier émirat d’Al-Andalous dirigé par la dynastie Nasride.
tajine de boeuf aux pruneaux
tajine de boeuf aux pruneaux
Plusieurs mets reflètent l’identité Andalouse de Tlemcen, ce sont des mets généralement sucrés salés à base de sauce réduite et sirupeuse.
On trouve toujours parmi ces plats une touche parfumée à la cannelle, épice primordiale pour la confection de ces mets typiquement tlemcenien.
Tlemcen est aussi la ville incontestée des épices, la cuisine de Tlemcen sollicite plusieurs épices par rapport à ses homologues
A l’époque des Zianides, Tlemcen fut transcendée par de nombreuses routes commerciales dont celles du bois, des métaux, du tissu et des épices qui alla se déverser ensuite vers le Maroc dans la ville de Sijilmassa et enfin vers le Sahara.
épices Maghnia
La cuisine tlemcenienne ne requiert pas moins de 30 épices dont certaines entre dans la composition d’un mélange d’épices appelé-ras  » Rass el hanout « , traditionnellement composé de 19 épices.
Cependant, il peut être composé de plus de 50 épices différentes, un mélange dont seul le vendeur d’épices détient le secret.
Parmi les épices les plus utilisées dans la cuisine tlemcenienne, on retrouve la cannelle (arfa) le clou de girofle (arounfél), le cumin (kémoun), le curcuma (korkem), carvi (karwiya) le gingembre (sékénjbir), la gomme arabique (méska) grains de fenouil (zeri3at el besbess) les graines d’anis (habat hlawa), la noix de muscade (el jouza), le paprika (felfel lahmér), le piment de Cayenne (felfel lahmer har), le poivre blanc et noir (tfawéh), le safan (z3afran), grains de cubebe (kababa), cardamome (habet el hile), l’anis étoilé appelé aussi badiane (njimate) et bien d’autres encore.

 

Les soupes de Tlemcen sont un bon exemple où l’on retrouve des épices en abondance.
Nous avons une variété de soupes à commencer par la spécialité de la région qui est la soupe au levain (Hrira، حريرة).
La préparation traditionnelle et comme son nom l’indique « au levain » était faite de farine additionnée de levure de bière préparée quelques jours à l’avance.
Actuellement, celle-ci tend à être remplacée par de la farine délayée dans de l’eau faite au moment même de la préparation.
La chorba شوربة bel m’aatfa plus légère que la hrira accompagnée de pâtes roulées à la main et de viande rouge parfumée au paprika, cannelle, poivre, ras el hanout, gingembre et enfin le carvi toujours mis en fin de cuisson.
Cette soupe est parfumée avec de la coriandre et celri.
Chorba b drihmét est aussi de la même famille (Chorba accompagnée de pâtes en forme carrée similaires à la chorba bel m’aatfa dans sa préparation).
D’autres spécialités, qui ont vu le jour à Al-Andalous, ont atterri à Tlemcen comme le cas d’une pâte alimentaire fabriquée artisanalement nommée fdawch, de forme allongée et de longueur courte.
Avec les fdawchs, les cuisinières de Tlemcen préparaient une soupe au lait aux oignons relevée au poivre noir surtout consommée en hiver (fdawéch bel hlib).
recette algérienne à l'agneau
bsibsi bel lhma
En plus des soupes typiques de Tlemcen, plusieurs plats appelés mar’a مرقة désignant des mets où les aliments mijotent à feu doux dans une sauce réduite à l’intérieur d’un récipient autrefois en terre cuite demandant la présence de plusieurs épices.
On trouve parmi ces plats ou mar’a typiquement tlemecenien, les plus célèbres :
El Brania (l’aubergines frittes) au gigot d’agneau où l’épice primordiale est le safran et le curcuma avec du pois chiche joliment décorées avec les a’tamér et comme dit le dicton  » El Brania fe Dar Klouche Fama « .
El left el arbia (ou left mérra) qui désigne le salsifis pas les navets préparé en plat avec de la viande et une sauce aux épices.
El batata asbiya  بطاطا قصبية ou osbiya qui désigne le topinambour préparé en sauce.
El khorchef arbi qui sont des cardes très appréciés au goût fortement prononcé à amère.
El khorchef fronsis qui sont des cardes plus doux, parfois cuisiner avec des olives violettes, autrefois cuisiné avec deux types d’olives, l’épice primordiale est le gingembre et le safran avec en épice mineure le curcuma.
El Telbia qui designe de la pomme de terre et la courgette en mar’a.
El mkheter مخثر : un tajine citadin de Tlemcen à base d’oignons et de viande, l’épice primordiale est le gingembre et la cannelle avec comme épices mineures le curcuma et le poivre.
Le mkheter désigne également des œufs cuit dans une mar’a aux petits pois.
El mar’a lham bel left مرقة لحم باللفت : à base de navets et d’agneau mijotés dans une sauce ayant pour épice principale le paprika et le poivre noir.
El bebouch  الببوش: un plat à base d’escargots des plaines vertes agrémenté d’un bouillon relevé en écorce d’oranges et une pointe de gingembre.
Maar’a bel la3sel مرقة بالعسل  : un plat de viande accompagné de raisins secs miellé, parfumé au cubèbe et au safran.
El Bar’ouae البرقوق ,un plat de viande caramélisée accompagné de fruits secs souvent des pruneaux.
D’autres plats ont complètement disparus comme lham bel karmous et la machmachia.
De même, il y a la fameuse bastila (pastilla) qui est une tourte farcie aux pigeons autrefois et aux amandes torréfiés cuite dans un four puis saupoudré généreusement de sucre glace et décorée de cannelle.
pastilla au poulet
Pastilla au poulet
La pastilla de Tlemcen est pratiquement similaire à celle de Fès, d’ailleurs, on nomme souvent ces deux villes de « ville-sœur », dû à leur héritage culturel andalou en commun.
Cependant, la pastilla andalouse que l’on prépare aujourd’hui à Grenade est différente de par sa pâte, mais c’est le même principe de préparation et cuisson, on l’appelle en Espagne : pastela moruna granada qui pourrait se traduire par pastilla maure de Grenade.
couscous au poulet de tlemcen
couscous au poulet
S’il y a un mets andalou de Tlemcen que nous devons absolument citer, c’est bien le couscous aux raisins secs et oignons caramélisés, on appelait dans les temps anciens  » t3am bel tafaya  » puis devenu taam bel zbib m3asline , je parle pas de la Séffa car cette dernière est un dérivé.
Outre, dans les temps les plus reculés, la conservation de la viande était une priorité car le réfrigérateur n’existait pas.
De ce fait, on a employé des méthodes de conservations à partir de ces viandes qui pouvaient se conserver pendant de nombreux mois, les tlemceciens ont élaboré des plats très gustatifs avec une note rustique conférée par la viande conservée selon des méthodes artisanales.
Nous retrouvons donc deux types de viandes le khli3 et el addid :
El khli3 : une viande confite de bœuf généralement découpée en lamelle puis marinée dans des épices et herbes aromatiques pendant une demi-journée puis ensuite séchée pour être enfin cuite dans sa propre graisse et de l’huile d’olives.
Autrefois, ce confit de viande était conservé, pendant environ deux ans à Tlemcen dans des jarres de taille moyenne en terre cuite.
Parmi les plats typiquement tlemcenien à base de khli3, on retrouve quelques plats dont :
1- la batata bel khli3 : un plat composé de quartier de pommes de terre marinées dans une sauce aux épices avec un goût prononcé par la viande confite très appréciée surtout surtout en temps froid.
2- el meslou’a un plat qui a disparu de la cuisine Tlemcenienne sauf exception chez quelques familles, il est à base de jujubes et de potiron imprégnés des condiments de la viande confite tout en ayant un goût doux et sucré.
On y ajoute ensuite du cumin seulement et en fin de cuisson du miel, c’est un mélange entre le raffiné et le rustique.
3- t3am bel khorda w lakhli3 : un couscous fort en goût à base de nombreux légumes dont un mélange de fèves sèches et fraîches, de tomates, de chou, de pois chiches, de potiron, de pommes de terre, de navets, de courgettes et de piment piquant  » el djwa « .
4- el berkoukes bel khlii accompagnée d’un bouillon rouge aux légumes frais et secs (pois chiches et fèves surtout), contenant très peu d’épices car la viande confite joue son rôle de parfum culinaire avec le na3na3 el ftour (menthe-basilic).
5– la tomatich bel khli3: une entrée surtout estival à base de tomates caramélisées accompagnées de khli3 et parfois d’olives amères de couleur violette.
6- El tchicha bel khli3 : une soupe à la viande confite et à l’orge vert, l’origan et si on ajoute du thym consommée en hiver c’est la fameuse tchicha be za3tar.
★ El addid est une viande salée séchée longtemps au soleil lui donnant ainsi un goût fortement rustique il est préparé après le sacrifice du mouton de l’Aïd el kébir.
Il accompagne comme le khli3 plusieurs plats selon les goûts des familles, nous pouvons trouver :
1– t3am bel addid : un couscous avec des légumes que certains tlemceniens amateurs de goût prononcé jugent impératif de l’accompagner avec el addid.
2- wlajdad bel addid : des œufs brouillés dans lesquels on ajoute du addid autrefois cuits sur un plat en terre cuite.
Ya d’autres plats disparus comme El timbasselt : un plat à base de fèves sèches accompagné d’une sauce aux oignons et du addid qui vont conférer beaucoup de goût au plat.
Il y a aussi d’autres plats de la campagne de Tlemcen qui ont été acheminés en ville par l’exode rural dont : le bkoul et sél’e ou sla’e à base de feuilles de mauves et d’épinards cuits avec des légumes secs, pois chiches, fèves, haricots .
On l’agrémente, à la fin, ensuite de coriandre fraîche et d’olives violettes.
Parlant de ces dernières, les olives à Tlemcen sont de plusieurs variétés et prépares aussi de plusieurs manières : le m’fertekh qui est l’olive cassée à la pierre, le mchekak qui est l’olive fendue en trois au couteau parfumé à l’écorce d’orange et aux branches de fenouil, les deux sont des olives violettes.
Et mra’éd olives noire salées et conservées sous pression, il est à dire aussi que les différentes soupes sont souvent accompagnées hors-d’œuvre comme : les poivrons à la tomate (félfél), les fèves à la vapeur, les poivrons à l’huile d’olive .
Pour ce dernier, il faut piler les poivrons dans un mortier en bois, foul b zit, fèves vertes cuites à l’ail, la coriandre, le poivre, le cumin et le paprika ou le foul mbakher, fèves cuites à la vapeur avec une vinaigrette à base d’huile d’olives, d’oignon vert et de cumin.
Les plats de Tlemcen ne sont pas les seuls mets à contenir des épices, il existe une pâtisserie bien tlemcenienne qui est l’un des symboles de la ville, il se nomme kâak.
-Le kâak est un gâteau sec, travaillé à la farine puis relevé en goût par l’anis vert, le fenouil, le mélilot et les graines de sésame.
Cette pâtisserie traversera plus tard la frontière pour s’installer dans la ville d’Oujda où elle fut acheminée par les immigrés algériens fuyant les conquêtes françaises.
Entre autres parmi les pâtisseries Andalouses les plus connues de la cuisine tlemcenienne on cite :
-Le griwech : une pâte liquide frite parfumée à la gomme arabique, aux sésames et au safran.
-La ghribia : une pâtisserie similaire aux montecaos avec un peu de différence au niveau du goût car originellement elle était faite avec la graisse de porc et qui est donc incompatible avec les préceptes de l’Islam, (Ghribia de Tlemcen, doux héritage andalous).
– Et sans oublier, El Makroute, Samsa et kaab Bou Ghezal……..
Il reste beaucoup à dire sur Tlemcen et ses traditions culinaires codifiées, par cette petite voir très petite contribution.
J’espère avoir fait le tour car Tlemcen détient un grand nombre de plats, comme d’ailleurs, à Oran et dans d’autres villes en Algérie.
à suivre samir B, Sherazade

 

Ce n’est qu’un aperçu de la cuisine tlemcenienne , cette cuisine ancestrale riche et variée, il y aura d’autre article qui vont parler de son histoire

n’hésitez pas à m’écrire si vous avez des informations sur la cuisine algérienne

5.0 from 2 reviews
la cuisine tlemcenienne, Histoire d'une cuisine ancestrale
 
auteur:
 
Ingredients
  • harira
  • tajine barkouk
  • pastilla
  • ghribia
  • ghriwech
  • couscous
  • tajine
Instructions

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4 réponses

  1. Merci pour le partage de cette recette, une recette riche en épices. Je le ferai quand il y aura un événement familial ou une fête. Mises à jour fréquentes pour d’autres recettes.

  2. Merci à vous pour ce magnifique article sur une cuisine qui m’est peu familière mais qui sent si bon les épices et le savoir-faire ancestral et qui donne une folle envie de goûter à tous ces plats.

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